Le silence à la messe

Cet article offre une introduction pratique à la question de la place du silence dans la célébration de l’eucharistie.

Cette parution était initialement destinée à un bulletin paroissial du diocèse. Il est possible de l’utiliser, cela correspond au format le plus habituel de trois éditos de feuillets paroissiaux.

Silence on… prie ! (1/3)

Le silence n’est pas une nouveauté en liturgie ! Pour ce que l’on sait de vieilles liturgies autre que la messe, elles consistaient pour une large part au chant de psaumes. Après chaque psaume, il était laissé un long temps de silence, chacun priant à partir des paroles de l’Écriture qu’il venait de chanter et à partir de sa vie. Si la liturgie élève nos cœurs, elle ne veut pas le faire en ignorant nos existences. Après le temps de silence, celui qui dirigeait l’office disait une prière à laquelle tous donnaient leur approbation et leur soutien par un “amen”. La prière s’enracinait donc
dans l’Écriture, se déployait au plus intime de chacun et s’unissait dans une prière ecclésiale. Il est certaines circonstances actuelles qui ressemblent à ces pratiques.
La prière du début de la messe fonctionne sous un mode assez semblable.
Une fois que nous sommes entrés dans la célébration (avec le chant ou l’antienne) et une fois la préparation pénitentielle accomplie (suivie du gloria les dimanches et fêtes sauf en avent et carême) il y a cette prière qui se nomme en latin “collecta” (“prière d’ouverture” en français). L’évêque ou le prêtre invite l’assemblée à prier (“Prions le Seigneur”), puis il laisse un temps de silence permettant à chacun de présenter à Dieu ce qu’il porte dans son cœur. Une fois ce temps terminé, alors toutes ces prières se trouvent comme collectées et rassemblées dans la prière que prononce celui qui préside la célébration. Ainsi, nos vies à chacun sont honorées. Elles sont portées, rassemblées et présentées avec la prière de toute l’Église. Notre “amen” conclusif dit notre confiance en Dieu et notre assentiment à ce qui a été exprimé au nom de tous.
Après la prière, vient le moment des lectures... pas tant pour nous informer sur le salut que pour nous former à vivre selon le Christ qui se donner en son eucharistie.

Silence on… prie ! (2/3)

Si le silence n’est pas le but en soi de liturgie (on ne se rassemble pas pour se taire !), il est un élément constitutif de nos célébrations. Dans le dernier Concile on trouve ces mots « Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes des attitudes corporelles. On observera aussi, en son temps un silence sacré ».
Dans la Bible (Elie Esther, psaumes, Job) on trouve de puissants silences. Ils sont : épreuve, rencontre, certitude d’une présence ou écoute du plus intime de l’être. Les évangiles témoignent de moments de silences forts, (les 40 jours au désert, le silence de la prière dans le secret de la chambre, le silence face au Sanhédrin puis à Pilate).
Après avoir développé (édito précédent) le sens du silence qui précède la prière du début de la messe, il est bon de noter le moment suivant où l’on observe un temps de silence significatif. Il se situe après les lectures et l’éventuelle prédication. Ce silence n’est pas d’abord un silence où chacun est invité à formuler des intentions, mais plutôt un silence de méditation paisible où chacun intériorise tel ou tel aspect des lectures ou de ce que la prédication a pu mettre en exergue à partir des lectures. Que me dit Dieu dans ces lectures ? Qu’est-ce que je garde comme lumière clarté, conviction, admiration, louange, exhortation, conseil… ? Ce temps est bien souvent accompagné d’une pièce ou d’une improvisation à l’orgue. Ce silence méditatif précède la confession de foi que nous faisons d’une même voix en récitant le Je crois en Dieu. Ainsi donc, ce silence vise à ce que la parole entendue soit reçue en nos cœurs pour que de nos cœurs jaillissent les mots de la foi (credo) puis ceux de nos demandes (prière universelle).

Silence on ...prie ! (suite et fin 3/3)

C’est à partir du milieu du XXième siècle que l’Église a introduit le terme de « silence » comme une composante explicite de ses rites au sein des livres liturgiques. Le silence est une des modalités de participation à la liturgie. Certes, il y a le silence qui précède et qui suit la célébration et qui nous dispose à un climat de recueillement (… pas forcément simple à vivre), mais il y a aussi des moments spécifiques.
Après avoir commenté le silence de prière personnelle avant la prière commune du début de la messe, puis après avoir présenté le silence méditatif d’après les lectures, il convient d’évoquer le silence après la communion eucharistique. Ce silence ne vise pas l’inertie en attendant la fin de la distribution de la communion et du rangement des vases sacrés. Ce silence est celui d’une plénitude. Du fait de la durée de la procession de communion, il n’est pas évident de se tenir ensemble au même moment dans le silence. Pendant que certains chantent en allant communier, d’autres font silence dans le dialogue du cœur à cœur. Pour autant, il est précieux de se tenir ensemble dans un profond silence d’adoration et d’action de grâce pour la communion où chacun a pu recevoir une parcelle du pain consacré se découvrant :
• destinataire et bénéficiaire du don de Dieu,
• membre du Christ dont le corps est manifesté par l’assemblée réunie,
• communiant efficacement à l’annonce du banquet céleste.
Ce silence d’après la communion, comme un au-delà du « dire » peut nous faire percevoir un lien au-delà du voir, un avenir promis qui nous rejoint maintenant dans la puissance de la mort-résurrection de Jésus-Christ.
Ces divers temps de silence ne sont pas des concessions faites à chacun pour respirer ou caser ses prières personnelles. Ce sont des temps institués (où il n’y a rien à écouter) où nous faisons corps, tenant en estime ce qui est propre à chacun, heureux de se tenir ensemble en celui qui nous donne de le servir.

RB (Service Foi - département Liturgie & Sacrements)