les écrans dans nos églises - note diocésaine

Les écrans en liturgie - note diocésaine (2017)

Pour réfléchir aux systèmes de retransmission vidéo dans les églises

Depuis plusieurs années, de manière stable ou occasionnelle, nous équipons certains lieux de célébrations avec des systèmes de retransmission vidéo. Ces aménagements sont essentiellement installés dans des lieux où une partie de l’assemblée liturgique a du mal à voir. Les raisons de cette incapacité proviennent du nombre et de la disposition des piliers ou bien de la grande distance qui peut exister entre une partie de l’assemblée et le sanctuaire. Une grande affluence (ordinaire ou ponctuelle) dans des édifices à faible visibilité peut inviter à envisager de tels aménagements.
Quelques assemblées liturgiques ont pris l’habitude d’utiliser des écrans dans l’objectif d’assurer le support des paroles des chants, certaines prières ainsi que pour des réponses liturgiques. Quelques uns peuvent inclure des visuels pour soutenir la prédication ou les annonces au sujet de la vie de la communauté.
Ce document voudrait attirer l’attention à certaines cohérences que portent nos liturgies et à certaines contingences de nos lieux de célébrations en vue de favoriser un discernement.

Deux points d’attention de la réforme liturgique

La récente réforme liturgique insiste notamment sur le critère de la « participation pleine consciente et active » à l’action liturgique, ainsi que sur le critère de noble simplicité . Ces éléments demeurent des clés pour nos discernements, pour favoriser l’intériorité et garder l’assemblée qui célèbre dans l’ouverture à la transcendance.

La dignité de l’assemblée.

L’assemblée chrétienne manifeste la présence du Ressuscité . Elle a une dignité particulière ; elle enseigne que prendre place dans l’alliance avec Dieu est indissociable du peuple auquel il donne de vivre en alliance. Aucun n’est invité à se tenir en spectateur, chacun est convié à prendre place dans le dialogue de notre action liturgique. C’est un défi régulier tant nos habitudes culturelles et sociales fonctionnent différemment. Des supports, comme les écrans, peuvent aider à cela . La liturgie ne cherche pas à être spectaculaire. Elle convie, construit, forme et engage à une réponse existentielle à la suite du Christ. Notre liturgie ne relève en rien d’une performance technique. Les moyens techniques (sonorisation, éclairage, documentation, etc.) sont au service. On préfèrera toujours une action en chair et en os avec des personnes présentes à l’assemblée, tout comme on préfère le chant de l’assemblée à la diffusion d’un enregistrement. Si cela est jugé bénéfique, on utilisera les écrans pour diffuser une vidéo ou un clip mais uniquement avant ou après la célébration eucharistique.

L’architecture et l’aménagement de nos lieux de célébration sont un discours

Nombres de nos églises ou chapelles ont été édifiées avec un chœur pensé comme une annonce et une perspective eschatologique. Il convient de tenir compte de ce discours spirituel et théologique que comporte l’architecture du bâtiment. Il y a le risque que l’écran s’impose à tous et puisse « nous détourner de ce qui importe et ce qui nous rassemble : l’autel » . Le sanctuaire - dans ses volumes et ses espaces - suggère la présence et la précédence de celui qui nous rassemble, de celui qui est la tête de l’Eglise.
Il convient de tenir compte des lignes et des mouvements avec leurs potentialités et leurs contraintes. En plusieurs lieux, l’écran vient cacher la croix, remplir un vide qui a une signification, ou obstruer le vitrail qui donne profondeur à nos regards et ouvre la célébration à l’ensemble du cosmos. Certains écrans offrent un « effet loupe » pour simplement grossir ce que nos yeux voient déjà. L’assemblée du fait de la grandeur de l’écran et de sa luminosité en vient alors à préférer la médiation de l’écran au contact direct du regard. La luminosité de l’écran risque de ne pas servir la visibilité de l’autel qui est l’un des rares lieux éclairé avec davantage d’intensité . Autant que possible, il semble inopportun d’installer des écrans dans le sanctuaire .

Image et liturgie

La question du lien entre l’image et la liturgie n’est pas neuve. Ce qui est récent, c’est que l’image soit « immatérielle ». En liturgie, la question de l’image est d’abord iconique . C’est à dire une image qui convoque, qui présente sans épuiser le réel invisible. L’image n’est donc pas d’abord illustrative ou décorative. C’est une sorte de fenêtre, une révélation de ce réel qui nous entoure. Ce que nous voyons nous déclare ce qui est au delà du voir. Il y a une transcendance des sens dans l’action liturgique. L’architecture des églises, mais aussi l’art floral ou le chant liturgique veulent porter cette même ouverture. Il ne faudrait pas que le poids des images en viennent à retarder (ou même occulter) l’émergence d’un nouveau visage qui est au-delà du voir. Notre liturgie donne à voir sans tout montrer, elle doit servir le « voir » sans le contraindre. Un manque d’équilibre en ce domaine pourrait conduire à des excès d’auto référencement tout particulièrement lors des funérailles, mariages et baptêmes.

Un nouveau « service » ?

La retransmission d’une liturgie est un acte délicat, elle porte nécessairement en elle la mise en œuvre d’une « ligne éditoriale ». Certains lieux disposent une caméra avec un plan fixe, d’autres confient à une personne le soin de manier la caméra. Ce service exige une formation préalable pour s’inscrire de manière harmonieuse dans le service de l’assemblée liturgique. Il convient de distinguer ce que l’on montre et ce que l’on ne montre pas, quelles actions, quels espaces, quels ministères doivent passer à l’écran. Il y a des choses qui sont marginales et d’autres essentielles. Il y a des éléments de détails qui risquent de se trouver disproportionnellement mis en avant. Une trop faible connaissance de l’action liturgique risque de mettre le ministre de la caméra en situation délicate dans son lien avec l’assemblée. Par exemple, combien de fois le lavabo est-il mis en avant alors que la fraction du pain n’est pas retransmise ? Dans le maniement de la caméra on veillera à une grande sobriété. On résistera à prendre pour modèle les retransmissions télévisées de la messe. Celles-ci sont faites pour permettre à des personnes absentes du lieu liturgique de vivre en communion avec ceux qui s’y trouvent. Les écrans dans nos églises sont au service de la participation de personnes qui se trouvent déjà dans le bâtiment.
Lorsque les écrans servent pour y inscrire des paroles, il semble opportun de ne pas y faire figurer l’ensemble des textes lus (lectures, prière universelle, prière eucharistique) mais seulement les chants et les refrains. En plusieurs lieux, la diffusion des paroles des chants semble permettre une meilleure participation au chant de l’assemblée. Eventuellement on pourra faire figurer des titres, des réponses ou des prières liturgiques . On usera sobrement des illustrations en veillant à leur cohérence artistique. La préparation des diaporamas exige elle aussi d’être confiée à des personnes ayant une certaine intelligence de l’action liturgique. De tels diaporama peuvent supporter des éléments que d’autres inscrivent dans la feuille dominicale, par exemple : la destination de la quête, les annonces concernant la vie du diocèse ou de la paroisse.
Esthétiquement on veillera au choix de couleur du fond d’écran pour permettre la visibilité et s’harmoniser au mieux avec l’environnement.

Discernement dans nos finances et nos partenaires

Le choix d’investir dans un matériel de diffusion vidéo est souvent un engagement lourd. Comme tout investissement, il doit être discerné avec les personnes légitimes. Soyons attentifs au fait que certains de nos lieux de culte bénéficient toujours d’un mobilier liturgique transitoire. Ces lieux attendent donc prioritairement les aménagements appelés par la dernière réforme liturgique .
Des entreprises se proposent d’œuvrer à l’aménagement et l’installation de ces matériels vidéo. Lorsqu’une commune est propriétaire, tout aménagement stable (ce n’est pas le cas pour des installations occasionnelles) nécessite l’accord de la commission d’Art Sacré. Il est important de faire connaître le projet au propriétaire, tout comme le propriétaire fait habituellement connaître les aménagements qu’il projette dans un bâtiment affecté au culte. Avant de faire éventuellement appel à une entreprise, il convient de réfléchir préalablement à la spécificité de nos lieux. On n’installe pas du matériel vidéo de la même façon dans un salon, une église ou une salle polyvalente. La place, le nombre et la grandeur des écrans sont à réfléchir. La façon de disposer ces supports doit manifester notre désir d’une participation de l’assemblée, et non pas de l’assistance à un spectacle. Des écrans doivent aider à entrer dans un dialogue de l’assemblée avec son Seigneur. Ces écrans sont supports mais ils ne devront jamais être préférés à la capacité de voir de ses propres yeux l’action à laquelle nous participons. Ces aménagements veulent véritablement permettre une juste orientation des regards, une invitation à l’intériorité.
Le département liturgie et sacrements ainsi que la commission d’Art Sacré peuvent accompagner des paroisses dans leurs réflexions à ce sujet.

Département Liturgie & Sacrements / juin 2017.